dimanche 13 septembre 2009

Informations relatives à la réparation de la détention provisoire


LA RÉPARATION DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

(Articles 149 à 150 et R. 26 à R. 40-22 du code de procédure pénale)
Le régime de l'indemnisation de la détention provisoire, issu de la loi n° 70-643 du 17 juillet 1970, a été modifié en profondeur par les lois n° 2000-516 du 15 juin et n° 2000-1354 du 30 décembre 2000.

Avant la réforme, une commission d'indemnisation, composée de magistrats de la Cour de cassation, avait la faculté, dont elle ne devait aucun compte, d'accorder une indemnité. Encore fallait-il démontrer, jusqu'à ce que la loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996 supprime cette exigence, que le préjudice subi était manifestement anormal et d'une particulière gravité.

Selon les nouvelles dispositions de l'article 149 du code de procédure pénale (CPP), sans préjudice de l'application de l'article L. 781-1, désormais codifié sous les articles L. 141-1 et L. 141-2, du code de l'organisation judiciaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention, sous réserve que cette décision ait été rendue postérieurement au 16 juin 2000, date d'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 (CNRD, 23 octobre 2006, n° 6C-RD.023).

Désormais, c'est le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcé le jugement ou l'arrêt d'où résulte l'innocence du détenu qui statue, à l'issue d'une procédure publique et contradictoire, par décision motivée susceptible de recours devant la commission nationale de réparation des détentions placée auprès de la Cour de cassation (CNRD).
Toutefois, aucune réparation n'est due :
- soit lorsque le non-lieu, la relaxe ou l'acquittement a pour seul fondement la reconnaissance de l'irresponsabilité du demandeur au sens de l'article 122-1 du code pénal ou une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire ou encore la prescription de l'action publique, si celle-ci est intervenue après la libération de la personne ;
- soit lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites ;
- soit lorsque la personne était dans le même temps détenue pour autre cause.
La méconnaissance des obligations du contrôle judiciaire ne figurant pas parmi ces exceptions, limitativement énumérées, la mise en détention consécutive à une telle violation ne peut pas entraîner l'exclusion de l'indemnisation du préjudice (CNRD, 12 juillet 2006, n° 6C-RD.015).

I - Procédure

A - Procédure devant le premier président

1°) Forme de la requête (article R. 26 du code de procédure pénale)
Le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement est saisi par une requête signée du demandeur, de son avocat ou d'un avoué près la cour d'appel et remise contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe de la cour d'appel.
La requête contient l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles, notamment en ce qui concerne :
- la date et la nature de la décision qui a ordonné la détention provisoire ainsi que l'établissement pénitentiaire où cette détention a été subie ;
- la juridiction qui a prononcé la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ainsi que la date de cette décision ;
- l'adresse où doivent être faites les notifications au demandeur.
La requête est accompagnée de toutes pièces justificatives, notamment de la copie de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.
La méconnaissance des formes prescrites par l'article R. 26 du code de procédure pénale n'implique pas l'irrecevabilité de la requête (CNRD, 14 novembre 2003, n° 3C -RD.027).

2°) Délai de dépôt de la requête (article 149-2 du code de procédure pénale)
Le demandeur doit saisir le premier président dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.
Il s'agit d'un délai préfix et le premier président est tenu de vérifier, au besoin d'office, que la requête n'est pas tardive (CNRD, 28 juin 2002, n° 2C-RD-002).
Mais ce délai ne court que si, lors de la notification de cette décision, la personne a été avisée de son droit de demander une réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 (premier alinéa).

3°) Instruction de la requête (articles R. 28 à R. 36 du code de procédure pénale)
Dès la réception de la requête, le greffe de la cour d'appel demande, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, la communication du dossier de la procédure pénale ou, si cette procédure est toujours en cours en ce qui concerne d'autres personnes que le demandeur, la copie du dossier.
Dans un délai de quinze jours à compter de la réception de ce dossier, le greffe transmet une copie de la requête au procureur général près la cour d'appel et, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'agent judiciaire du Trésor.
Le demandeur peut se faire délivrer, sans frais, copie des pièces de la procédure pénale. Seul son avocat peut prendre communication du dossier au greffe de la cour d'appel.
L'agent judiciaire du Trésor peut prendre connaissance du dossier de la procédure pénale au greffe de la cour d'appel. Il lui est délivré, sans frais, sur sa demande, copie des pièces.
L'agent judiciaire du Trésor dépose ses conclusions au greffe de la cour d'appel dans le délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée précitée.
Le greffe notifie au demandeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans le délai de quinze jours à compter de leur dépôt, les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor.
Lorsque celui-ci a déposé ses conclusions ou à l'expiration du délai précité, le greffe transmet le dossier au procureur général.
Le procureur général dépose ses conclusions dans les deux mois.
Le greffe notifie au demandeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans le délai de quinze jours à compter de leur dépôt, les conclusions du procureur général. Il communique, dans le même délai, ces conclusions à l'agent judiciaire du Trésor.
Dans le délai d'un mois à compter de cette notification, le demandeur remet, contre récépissé ou adresse, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au greffe de la cour d'appel, ses observations en réponse, qui sont communiquées à l'agent judiciaire du Trésor et au procureur général dans le délai de quinze jours.
Les conclusions produites ultérieurement par les parties sont communiquées entre elles à la diligence de leur auteur.
Ces délais sont destinés à permettre au demandeur, dans le respect du principe de la contradiction, d'être indemnisé le plus rapidement possible et toute diligence doit être faite pour qu'ils soient respectés.
Afin d'accélérer la procédure et de permettre au premier président de disposer de tous les éléments d'appréciation nécessaires, l'article R. 34 lui permet de procéder ou de faire procéder à toutes mesures d'instruction utiles, sans exclure celles permettant de compléter le dossier du demandeur (CNRD, 14 novembre 2003, n° 3C-RD.027).
Il peut ainsi inviter le demandeur, dans le délai qu'il fixe, à produire tout élément de preuve destiné à établir le préjudice qu'il invoque. Les pièces produites doivent être communiquées aux autres parties.
Le premier président fixe la date de l'audience après avis du procureur général. Cette date est notifiée par le greffe de la cour d'appel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur et à l'agent judiciaire du Trésor, un mois au moins avant l'audience.
Le demandeur est avisé, à l'occasion de cette notification, qu'il peut s'opposer jusqu'à l'ouverture des débats à ce que ceux-ci aient lieu en audience publique.
Lorsqu'il apparaît manifestement que le demandeur soit ne remplit pas la condition d'avoir fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, soit a formé sa requête après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 149-2, le premier président de la cour d'appel peut décider, après en avoir avisé le demandeur, l'agent judiciaire du Trésor et le procureur général, qu'il n'y a pas lieu à plus ample instruction ni à l'accomplissement des actes prévus aux articles R. 31 à R. 34.
Il est fait alors application des dispositions de l'article R. 35.
NB : Lorsqu'une partie est assistée par un avocat, les notifications par lettre recommandée avec demande d'avis de réception sont faites au seul avocat et copie en est adressée par lettre simple à la partie. Lorsqu'une partie est représentée par un avocat ou un avoué, ces notifications sont faites au seul avocat ou avoué.

4°) Débats (articles 149-2 et R. 37 du code de procédure pénale)
Les débats ont lieu en audience publique, sauf opposition du requérant. A sa demande, celui-ci est entendu personnellement ou par l'intermédiaire de son conseil.
Le demandeur et l'agent judiciaire du Trésor peuvent être assistés ou représentés par un avocat ou un avoué.
Au jour de l'audience, le demandeur ou son avocat puis l'agent judiciaire du Trésor ou son avocat sont entendus en leurs observations.
Le procureur général développe ses conclusions.
Les parties peuvent alors répliquer, le demandeur ou son avocat ayant la parole en dernier.

5°) Décision (articles R. 38, R. 40 et R. 40-2 du code de procédure pénale)
Le premier président de la cour d'appel statue par une décision motivée sur les différents chefs de préjudice invoqués, en distinguant l'indemnité allouée en réparation du préjudice matériel de celle allouée au titre du préjudice moral.
La décision du premier président de la cour d'appel est rendue en audience publique.
Elle est notifiée aux parties selon les modalités indiquées ci-après.
Les décisions du premier président de la cour d'appel accordant une réparation sont assorties de plein droit de l'exécution provisoire.
Si la requête est rejetée, le demandeur est condamné aux dépens, à moins que le premier président de la cour d'appel ne l'en décharge en partie ou en totalité.
La décision du premier président comporte exécution forcée pour le paiement des dépens.

6°) Notification (article R. 38 du code de procédure pénale)
La décision du premier président est notifiée au demandeur et à l'agent judiciaire du Trésor, soit par remise d'une copie contre récépissé, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Conformément au principe général posé par l'article 677 du nouveau code de procédure civile, les décisions doivent être notifiées aux parties elles-mêmes, étant rappelé qu'aux termes de l'article 149-4 du code de procédure pénale, le premier président et la commission nationale statuent en tant que juridictions civiles (CNRD, 2 mai 2006, Bull. crim. 2006, n° 7, p. 23, n° 5C-RD.070).
La notification de la décision du premier président au seul conseil du demandeur ne fait pas courir le délai de recours (CNRD, 2 mai 2006, Bull. crim. 2006, n° 7, p. 23, n° 5C-RD.070).
La date de notification par voie postale est celle de la réception de la lettre recommandée apposée par l'administration des postes lors de la remise de cette lettre à son destinataire, en application de l'article 669, alinéa 3, du nouveau code de procédure civile.
En l'absence de retour de l'avis de réception, seul en mesure d'attester de la remise effective de la lettre à son destinataire, le secrétaire de la juridiction doit, en application de l'article 670-1 du même code, inviter la partie qui y a intérêt à procéder par voie de signification. Dans ce cas, seule la signification fait courir le délai de recours. A défaut, le délai fixé par l'article 149-3 du code de procédure pénale ne commence pas à courir (CNRD, 14 novembre 2003, n° 3C-RD.029).
La notification au demandeur, par une lettre qui se borne à viser l'article R. 40-4 du code de procédure pénale et à indiquer la durée du délai de recours sans en préciser les modalités, n'est pas effectuée conformément aux dispositions de l'article 680 du nouveau code de procédure civile et ne fait pas courir le délai légal (CNRD, 26 janvier 2007, en cours de publication, n° 6C-RD.064).
Une copie de la décision est remise au procureur général.
Une copie de la décision est, en outre, adressée au ministère de la justice, à la commission de suivi de la détention provisoire.

B - Recours devant la commission nationale de réparation des détentions

1°) Exercice du recours (articles R. 40-4 à R. 40-6 du code de procédure pénale)
L'article 149-3, alinéa premier, dispose que les décisions du premier président peuvent faire l'objet, dans les dix jours de leur notification, d'un recours devant la commission nationale de réparation des détentions.
Ce recours peut être exercé par le demandeur, l'agent judiciaire du Trésor ou par le procureur général près la cour d'appel.
La déclaration de recours est remise au greffe de la cour d'appel en quatre exemplaires.
La remise est constatée par le greffe, qui en mentionne la date sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué, et qui adresse un exemplaire aux personnes énumérées aux 1º à 3º (article R. 40-4 du code de procédure pénale) autres que l'auteur du recours.
Le dossier de la procédure de réparation, assorti de la déclaration de recours et du dossier de la procédure pénale, est transmis sans délai par le greffe de la cour d'appel au secrétariat de la commission nationale.
La décision qui accorde une provision n'est susceptible d'aucun recours et celle qui ordonne une expertise ne peut faire l'objet d'un recours indépendamment de la décision au fond (CNRD, 14 novembre 2003, n° 3C-RD.018). De même, la décision de sursis à statuer sur un chef de préjudice n'est pas susceptible d'un recours indépendamment de la décision au fond (CNRD, 31 janvier 2003, n° 2C-RD.059).

2°) Forme du recours (article R. 40-4 du code de procédure pénale)
Le demandeur doit remettre, conformément à l'article R. 40-4 du code de procédure pénale, une déclaration au greffe de la cour d'appel d'où émane la décision de réparation et non au greffe de la Cour de cassation (CNRD, 31 janvier 2003, pourvoi n° 02-99.067), le défaut de remise en quatre exemplaires étant sans incidence sur la validité de la déclaration (CNRD, 20 décembre 2002, Bull. crim. 2002, n° 12, p. 16, pourvoi n° 02-99.068).
Toutefois, la commission a déclaré recevable un recours remis, dans le délai imparti par l'article R. 38, par l'intermédiaire d'un avocat, au parquet général qui l'a transmis au greffe de la cour d'appel (CNRD, 29 mai 2006, n° 5C-RD.072).
Le recours ne peut être adressé ni par lettre simple (CNRD, 17 décembre 2004, n° 4C-RD .025) ni par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (CNRD, 1er avril 2005, n° 4C-RD.047) ni par télécopie (CNRD, 3 mai 2002, n° 1C-99.009).
Si la personne est détenue, la déclaration de recours formée par le demandeur au greffe de la maison d'arrêt, ou par lettre recommandée, est tenue pour régulière (CNRD, 20 décembre 2002, Bull. crim. 2002, n° 11, p. 25, pourvoi n° 02-99.024).

II - La réparation du préjudice

Seul le préjudice subi par le demandeur, en lien direct et exclusif avec la détention, doit être réparé (CNRD, 18 décembre 2006, n° 6C-RD.045).

A - Lien de causalité avec la détention provisoire

1°) Exclusion du dommage lié à la procédure judiciaire
Echappe aux prévisions de l'article 149 du code de procédure pénale la réparation du préjudice résultant du contrôle judiciaire (CNRD, 17 janvier 2005, n° 4C-RD.02), de la mise en examen ou, de façon générale, du déroulement de la procédure judiciaire, le dommage ne pouvant être indemnisé qu'à l'occasion d'une procédure diligentée sur le fondement de l'article L. 781-1, devenu L. 141-1, du code de l'organisation judiciaire (CNRD, 20 février 2006, n° 5C-RD.007).
La responsabilité de l'Etat du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice ne peut être engagée que pour déni de justice ou pour faute lourde, celle-ci étant définie comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi (Ass. plén., 23 février 2001, Bull. 2001, Ass. plén., n° 5, p. 10, pourvoi n° 99-16.165).
Ainsi, les provisions accordées par le ministère de la justice à des personnes acquittées, qui sont aussi destinées à les indemniser du fonctionnement défectueux du service public de la justice et non du seul préjudice subi résultant d'une détention, ne constituent pas des références utiles à la commission (CNRD, 31 mars 2006, Bull. crim. 2006, n° 5, p. 15, n° 5C-RD.059).
En revanche, doit être prise en compte la période de détention liée à la procédure d'extradition ainsi que les conséquences financières qui en sont résultées (CNRD, 20 février 2006, Bull. crim. 2006, n° 3, p. 7, n° 5C-RD.046).

2°) Préjudice lié à la médiatisation de l'affaire

Ne peut donner lieu à réparation le préjudice issu de l'atteinte à l'image ou à la réputation résultant de la publicité donnée par les médias à l'affaire, même si les articles de presse relatent l'arrestation, la mise en détention et l'incarcération du demandeur (CNRD, 5 décembre 2005, Bull. crim. 2005, n° 14, p. 57, n° 5C-RD.017).

Les atteintes à la présomption d'innocence sont réparées sur le fondement de l'article 9-1 du code civil.

3°) Hypothèse de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement partiels
Lorsqu'un demandeur, placé en détention provisoire du chef de plusieurs infractions, n'a bénéficié que d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement partiels, la commission nationale contrôle la compatibilité entre les infractions qui ont donné lieu à condamnation et la détention provisoire subie.
a) Si la durée de détention provisoire prévue pour les infractions suivie d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement est compatible (c'est-à-dire inférieure ou égale) avec celle qui a été effectuée au titre des infractions ayant donné lieu à condamnation, elle rejette le recours (CNRD, 11 juin 2004, n° 4C-RD.001).
b) Elle le rejette également lorsque l'infraction ayant donné lieu à condamnation est la seule susceptible d'entraîner une détention provisoire (CNRD, 7 mars 2005, n° C4- RD. 037).
c) Lorsque la durée de la détention provisoire effectuée par le demandeur au titre de l'infraction ayant donné lieu à un non-lieu, une relaxe ou un acquittement est supérieure à celle qu'il a subie au titre de l'infraction pour laquelle il a été condamnée, la commission nationale n'accueille la demande que pour la partie de la détention qui excède la durée compatible avec l'infraction qui a justifié la condamnation (CNRD, 13 mai 2005, n° 4C-CRD 046).
Ainsi, un demandeur ayant été placé en détention provisoire pendant une durée de sept mois et dix jours, au cours d'une information ouverte pour infraction à la législation sur les stupéfiants ainsi que pour importation de marchandises prohibées, ces deux délits ayant été visées au mandat de dépôt, fut relaxé du chef de la première infraction et condamné pour le délit douanier. L'infraction douanière n'étant susceptible, à elle seule, de fonder la mesure de détention provisoire qu'à concurrence de quatre mois, en application des dispositions combinées des articles 414 du code des douanes et 145-1, alinéa premier, du code de procédure pénale, la réparation du préjudice a été admise pour la période de détention excédant cette durée, soit trois mois et dix jours (CNRD, 20 novembre 2006, n° 6C-RD.052).

B - La réparation du préjudice matériel

1°) Revenus

Lorsque le demandeur a perdu son emploi en raison de l'incarcération, le préjudice matériel subi pendant la détention du fait de la privation de sa rémunération et celui résultant, à sa libération, de la période nécessaire à la recherche d'un emploi, doit être réparé (CNRD, 21 octobre 2005, n° 5C-RD.005).
L'indemnité qui répare la perte des salaires étant de nature à remettre le demandeur dans la situation où il se serait trouvé s'il n'avait pas été incarcéré, il ne peut cumulativement prétendre à une indemnité correspondant au montant des dépenses dont il aurait dû s'acquitter avec ses revenus s'il n'avait pas été incarcéré (loyers, taxe d'habitation, assurance automobile, redevance télévision, cotisation carte bancaire) (CNRD, 18 décembre 2006, n° 6C-RD.045).
Le préjudice issu de la suspension, pendant la détention, du versement du revenu minimum d'insertion (CNRD, 17 décembre 2004, n° 4C-RD.021) ainsi que de la perte des revenus tirés de l'exploitation d'une société (CNRD, 15 juillet 2004, n° 2C-RD.078) doit être indemnisé.

2°) Perte des points de retraite
Doit être ajoutée à l'indemnité réparant la perte du salaire net une somme au titre de la perte des cotisations nécessaires à la constitution des points de retraite, outre les congés payés qui auraient été dus si le demandeur n'avait pas été incarcéré (CNRD, 20 février 2006, Bull. crim. 2006, n° 4, p. 10, n° 5C-RD.055).

3°) Perte de chance
La commission répare la perte de chance de percevoir des salaires, lorsque celle-ci est sérieuse (CNRD 21 octobre 2005, n° 5C-RD.011), l'indemnité devant être mesurée à la chance perdue et ne pouvant être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée (CNRD, 14 novembre 2005, n° 5C-RD.015).
Elle répare également la perte de chance de suivre une formation (CNRD, 14 novembre 2005, n° 5C-RD.024), de réussir un examen et de l'obligation de recommencer une année scolaire (CNRD, 2 mai 2006, n° 5C-RD.071) ou de poursuivre une scolarité dans un cadre adapté à la personnalité du demandeur (CNRD, 29 juin 2006, n° 6C-RD.002).

4°) Exclusion des méthodes alternatives de réparation
La perte des indemnités servies par l'ASSEDIC ne peut se cumuler avec la réparation de la perte de chance de trouver un emploi (CNRD, 8 novembre 2002, pourvoi n° 02-99.034).

5°) Frais de transport exposés par le conjoint
Les frais de transport engagés par le demandeur pour permettre à son épouse de lui rendre visite en prison constituent des dépenses liées à la détention (CNRD, 14 décembre 2005, n° 5C-RD.036).
Si les frais sont exposés par le conjoint et si les époux sont mariés sous le régime de la communauté, le demandeur est fondé à se prévaloir d'un préjudice personnel à hauteur de la moitié des frais engagés (CNRD, 29 mai 2006, n° 5C-RD.072).

6°) Frais de déménagement consécutifs à l'incarcération
Si l'incarcération, qui s'est traduite par la suspension du traitement du demandeur, a eu pour conséquence la perte du logement dont celui-ci était locataire, les frais de déménagement et de transport qu'il a exposés, et qui sont directement liés à la détention, doivent être réparés (CNRD, 14 décembre 2005, n° 5C-RD.044).

7°) Frais d'avocat
Le remboursement des frais engagés au titre de la défense, notamment les honoraires versés à un avocat, ne peut concerner que les prestations directement liées à la privation de liberté.
Il appartient au requérant d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d'honoraires, en application de l'article 245 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, devenu l'article 12 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour la faire cesser par des demandes de mise en liberté (CNRD, 23 septembre 2005, n° 4C-RD.004).
Cependant, malgré l'absence de facture détaillée, la commission a pu évaluer le montant des frais d'avocat au vu des pièces versées établissant l'existence de recours devant la chambre d'accusation contre les décisions de rejet des demandes de mise en liberté et de visites de l'avocat à la prison (CNRD, 5 mars 2004, n° 3C-RD.047).

8°) Frais de cantine
La commission nationale rejette les demandes tendant au remboursement des frais exposés en détention.
Elle considère que ces dépenses auraient été exposées également en dehors du milieu carcéral pour l'entretien courant du requérant (CNRD, 23 octobre 2006, n° 6C-RD.035).

S'agissant du surcoût qu'elles imposent aux détenus, elle estime qu'elle n'a pas à apprécier le montant des prix pratiqués en détention (CNRD, 18 décembre 2006, n° 6C-RD.054).

C - La réparation du préjudice moral
La souffrance morale résulte du choc carcéral ressenti par une personne brutalement et injustement privée de liberté. Elle peut être aggravée, notamment, par une séparation familiale et des conditions d'incarcération particulièrement difficiles. Elle peut aussi être minorée par l'existence d'un passé carcéral.
Elle doit être appréciée indépendamment de l'attitude du demandeur pendant l'enquête ou l'information (CNRD, 5 décembre 2005, n° 5C-RD.010).

1°) La situation familiale
La commission nationale a retenu, comme facteur d'aggravation, la séparation d'un père et de son nouveau-né (CNRD, 17 décembre 2004, n° 4C-RD.014), celle d'une jeune mère célibataire et de sa fille unique de 6 ans (CNRD, 21 octobre 2005, n° 4C- RD.032), la naissance d'un enfant pendant la détention (CNRD, 31 mars 2006, n° 5C -RD.060), l'incarcération du demandeur la veille du baptême de l'un de ses enfants sans que sa famille ait été avisée de son incarcération (CNRD, 18 décembre 2006, n° 6C -RD. 034), la détresse ressentie par une mère mise sous écrou et séparée de ses enfants en bas âge ainsi que de son mari, lequel, gravement blessé, venait d'être hospitalisé à la suite de l'incendie de leur domicile (CNRD, 2 mai 2006, n° 5C-RD.067).
Si le préjudice subi par les proches n'est pas indemnisable, la souffrance supplémentaire du détenu, causée par le désarroi de savoir sa compagne et son bébé seuls sans pouvoir leur apporter le soutien nécessaire, constitue un préjudice personnel réparable (CNRD, 26 juin 2006, Bull. crim. 2006, n° 9, p. 31, n° 5C-RD.079).
De même, il peut être tenu compte du préjudice moral subi par le demandeur en raison de la répercussion, sur la santé de ses proches, de sa détention (CNRD, 6 février 2004, n° 3C-RD.024).

2°) Les conditions d'incarcération
Constituent notamment des facteurs d'aggravation du préjudice moral les menaces subies par le demandeur, la surpopulation de la maison d'arrêt, les mauvaises conditions d'hygiène et de confort (CNRD, 20 février 2006, Bull. crim. 2006, n° 4, p. 10, n° 5C-RD.055), la vétusté des lieux (CNRD, 29 mai 2006, n° 5C-RD.077), l'isolement lié à la nature de l'infraction, la multiplication des transferts d'un établissement pénitentiaire à l'autre, à l'origine de la rupture des liens familiaux (CNRD, 7 mars 2005, n° 4C-RD.031) et les difficultés résultant d'une détention subie pour partie dans des prisons étrangères (CNRD, 7 mars 2005, n° 04-043).
Si la nature infamante des faits poursuivis ne constitue pas un critère d'appréciation du préjudice moral (CNRD, 5 décembre 2005, n° 5C-RD.032), la nature des faits doit être prise en compte si les conditions de détention s'en sont trouvées particulièrement pénibles (CNRD, 14 novembre 2005, Bull. crim. 2005, n° 12, p. 49, n° 5C-RD.019).

3°) L'incidence du passé carcéral
Les périodes d'incarcération déjà effectuées en exécution de condamnations successives sont de nature à minorer le choc psychologique.
Cependant, même en cas de passé carcéral, ce choc peut être aggravé par la connaissance du risque de la peine encourue (CNRD, 21 octobre 2005, Bull. crim. 2005, n° 10, p. 40, n° 4C-RD.001).

De même, peut être pris en considération le fait que le demandeur ait été confronté de nouveau au milieu pénitentiaire, pour des raisons qu'il savait injustifiées et alors qu'il n'avait pas subi de nouvelle condamnation depuis un long laps de temps (CNRD, 2 mai 2006, n° 5C-RD.066).
Peuvent être également prises en considération son insertion complète et durable ainsi que sa confrontation, pour des raisons qu'il savait injustifiées, au milieu carcéral dont il avait réussi à s'éloigner (CNRD, 26 juin 2006, n° 6C-RD.008).

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